L’évolution des carrières, des parcours et de son propre chemin permet à chacun(e) d’entre nous d’arriver à une plénitude professionnelle qui paraît intéressante à partager. C’est pourquoi, je suis vraiment ravi de pouvoir échanger sur nos métiers passionnants et de partager avec vous mon expérience. Une expérience qui amène à traiter et voir différemment la patiente et le thérapeute.
1.MON DÉPART
Dans les années 90, je suis littéralement tombé en amour d’un métier qui naissait à peine en France et qui m’a tout de suite passionné : l’ostéopathie. Alors que je quittais mon école, ayant fait math-sup et math-spé,
j’ai vu dans cette formation, un parallèle évident avec les études d’ingénieur, d’une certaine manière l’idée de devenir un ingénieur du corps m’a beaucoup attiré. J’ai choisi à l’époque la filière formation initiale sans opposition avec la filière kiné + ostéo, mais comme étant un vrai choix d’orientation au Centre Européen d’Enseignement Supérieur de l’Ostéopathie (CEESO PARIS). Ces études ont été riches et intenses, et je dois dire, d’un très haut niveau, et gardaient une énorme place à la pratique ce qui m’a permis de m’épanouir. J’ai adoré les premières années de mon exercice libéral, et pourtant, déjà dans mes études je trouvais que l’approche du patient n’était pas aussi holistique qu’elles ne le prétendaient. Mon mémoire de fin d’études, sur la comparaison conceptuelle entre Still et Freud, était une timide ébauche de mon approche (« la psychanalyse du corps en ostéopathie »). Je vous propose de surtout ne pas le lire, c’était sans aucun doute assez moyen comme rédaction, mais ça a eu le mérite pour ma carrière de poser les bases d’une pensée, qui existait par ailleurs dans d’autres disciplines, que la technique n’était qu’une partie de notre prise en charge et même de l’efficacité d’un traitement. L’évolution des carrières, des parcours et de son propre chemin permet à chacun(e) d’entre nous d’arriver à une plénitude professionnelle qui paraît intéressante à partager. C’est pourquoi, je suis vraiment ravi de pouvoir échanger sur nos métiers passionnants et de partager avec vous mon expérience. Une expérience qui amène à traiter et voir différemment la patiente et le thérapeute.
2.MA FORMATION COMPLÉMENTAIRE
Plus tard, au cours de mon exercice libéral, j’ai repris mes études au Centre International de Psychosomatique à Paris (CIPS) pour me former à la relaxation psychosomatique, aux diplômes de thérapeute en psychosomatique, de psychothérapeute individuel, psychothérapeute de couple et de groupe. Ces formations m’ont beaucoup appris, notamment qu’au-delà de la psychopathologie, l’essentiel d’une réussite thérapeutique tient au lien, à la relation thérapeutique que nous tissons avec notre patient.
3.LE DOUBLE CURSUS
J’ai donc commencé à exercer en parallèle de l’ostéopathie le métier de psycho-praticien, au départ en distinguant nettement les deux activités, et aujourd’hui dans une approche plus globale. En parallèle de ces différentes formations, et de mon exercice libéral, j’ai eu la chance de pouvoir exercer beaucoup de métiers différents dans le domaine de l’entreprise, comme celui de consultant en recrutement, consultant en out-placement, expert en Qualité de Vie au Travail, conférencier et formateur. Tout logiquement, je me suis dirigé vers une formation complémentaire pour mieux accompagner le monde de l’entreprise, à l’Institut des Neurosciences Appliquées, pour devenir également Executive-Coach.
4.UN CONSTAT
Au fur et à mesure de mon activité, je me suis confronté au suivi des managers, et des dirigeants, et j’ai pu constater la solitude infinie et le désarroi des professions à haut niveau de responsabilité. Dans mes accompagnements individuels, j’ai eu la chance de suivre des avocats, des médecins, des dirigeants, et la très forte évolution positive de leurs métiers au cours de notre accompagnement m’a conforté dans la nécessité d’accompagner les praticiens de santé pour leur permettre de mieux vivre leur art. Avec le Centre de Formation Professionnelle Continue en Ostéopathie (CFPCO), et son directeur Mathieu Schlachet, nous avons proposé une formation sur la possibilité de transformer notre temps d’anamnèse, en un temps pleinement thérapeutique. Cette anamnèse positive, qui depuis plusieurs années est dispensée aux ostéopathes, et d’autres différentes professions médicales de première intention, m’a permis de développer encore plus l’accompagnement des ostéopathes.
5. LE CONCEPT
D’un point de vue conceptuel, je vous propose de poser ici plusieurs idées pour mieux comprendre cette démarche. Il est difficile de bien aider l’autre lorsque nous-même ne sommes pas dans de bonnes dispositions psychiques ou physiques. C’est possible, et cela nous arrive à tous de soigner l’autre dans de mauvaises conditions et de faire du bon travail pour autant, mais il est facile à comprendre que cela n’est pas l’idéal.
5.1. Travail sur notre corps
Pour cela, il est important de nous-même être suivi pour notre corps, sans tomber dans l’excès bien entendu, en ostéopathie, d’être curieux des pratiques différentes des nôtres, l’acupuncture, l’homéopathie, la gymnastique quel qu’elle soit, et bien sûr le sport sont de formidables moyens pour prendre soin de soi. Cette liste n’est en rien exhaustive, et je suis toujours épaté de voir la créativité dont font preuve les humains pour trouver des manières originales pour s’occuper de leur corps. Cette démarche donc vers le corps, pour des professionnels qui sont censés s’occuper du corps de l’Autre, est indispensable et cruciale pour la bonne prise en charge des patients, je dirais même que c’est un enjeu de santé publique, qui est trop souvent négligé, voir occulté des formations de santé.
5.2. La santé psychique
Que dire alors de notre santé psychique ? C’est là un véritable tabou qui m’interpelle encore à ce jour. Je fais un parallèle immédiat avec le monde de l’entreprise où l’on a longtemps considéré qu’en interdisant les émotions au travail, nous allions pouvoir gérer de manière plus rationnelle les relations humaines dans l’entreprise. Les vagues de suicides, et les quantités incroyables de burn-out ont je l’espère eu raison de ce concept moyenâgeux. Nous avons à faire face à une vraie difficulté de prise de conscience dans le milieu hospitalier équivalent à l’entreprise. L’attachement émotionnel est banni le plus possible de l’hôpital, où l’on délègue à des psychologues débordés le soin de récupérer des annonces souvent dramatiques annoncées de manières la plus détachée possible. Fort heureusement, les choses évoluent, et malgré de vraies résistances souvent corporatistes, les mentalités bougent, et des groupes de supervision émergent dans les établissements de soin. Ces supervisions ne sont que peu souvent interdisciplinaire, et c’est bien dommage car c’est sans doute là que c’est le plus efficace, nous permettant de sortir de la problématique technique et d’aller sur l’aspect émotionnel et psychologique.
6.LES PROFESSIONS LIBÉRALES
Pour les professions libérales, c’est une autre paire de manche. Quel qu’elles soient, de santé ou autre, dès que l’individu est son propre patron, qu’il n’est pas salarié, la tendance naturelle est de se négliger, tant sur sa santé physique que pire sur sa santé psychique peu rentable à court terme. J’ai souvent tenté de proposer des supervisions de groupe pour les ostéopathes, mais ils sont tellement peu informés dans leur cursus de formation de l’intérêt ou même de l’existence de telles pratiques que c’est tombé à plat. Ce qui fonctionne bien pour l’instant pour nos consœurs et confrères c’est la supervision individuelle, qu’elle soit en présentielle ou en visio.
7.ALORS CELA CONSISTE EN QUOI UNE SUPERVISION INDIVIDUELLE ?
En fait, c’est déjà faire le point sur la belle personne que vous êtes, votre identité, vos valeurs, votre parcours. C’est aussi comprendre ce qui vous a amené à ce beau métier, le véritable POURQUOI de votre engagement. C’est très surprenant de voir que nous avons finalement assez peu formalisé auprès des autres nos motivations profondes. J’avais naïvement imaginé que tous les centres de formation devaient commencer leur enseignement comme ça. Dans un second temps nous allons ensemble découvrir, rendre conscient et analyser nos épreuves de vie, nos évènements marquants qu’ils soient bien ou mal vécus et puis nos blessures. Alors qu’elle est la différence avec une psychothérapie classique ? Finalement le concept est le même à la base. La véritable plus-value réside dans l’interprétation de nos difficultés thérapeutiques au regard de notre propre parcours individuel. Il n’existe d’ailleurs pas une seule et unique façon de superviser un professionnel de santé, un ostéopathe. C’est en fonction de la formation et de la personnalité de celui qui vous accompagne. Vous avez tous entendu parler de la notion de transfert, et de contre-transfert ?
Avant même que vous ne rencontriez votre patient, il a déjà une idée plus ou moins consciente de la réussite thérapeutique, une image fabriquée, en partie, de vous. C’est fou non ? et pourtant ce qui est encore plus fou c’est que nous-même nous avons aussi nos à priori également, et qu’avant même de le rencontrer nous nous faisons une idée sur la manière dont nous allons le prendre en charge. Alors si vous prétendez ne pas avoir ce comportement, sachez qu’il est sans doute le plus souvent inconscient. C’est une pratique passionnante que d’aller chercher ces mécanismes inconscients qui régissent finalement 90% de nos décisions alors
que nous sommes persuadés d’avoir le contrôle de notre vie, le contrôle de notre métier uniquement par notre haut niveau d’expertise et notre seule expérience.
EN RÉSUMÉ
Alors une supervision, c’est avant tout grandir sur soi, grandir pour soi et pour l’autre. Quelque part, c’est le moyen de passer d’ostéopathe, professionnel de santé, techniquement opérationnel et expert, à un véritable thérapeute capable d’accueillir chaque individu dans sa complexité, et en restant vigilant à la maitrise du plus grand fléau de nos métiers : l’égo ! Il ne s’agit pas là de le faire disparaitre, car il est nécessaire. C’est plus de pouvoir le laisser à sa juste place et que surtout il ne prenne pas le pouvoir sur nos décisions et nos actes au quotidien.