Méthode McKenzie : interview de Gabor Sagi - VousKine

Méthode McKenzie : interview de Gabor Sagi

La méthode McKenzie

La méthode mckenzie

Sa guérison. La partie la plus importante du traitement se passe entre les séances de Kiné, essentiellement sur la base d’exercices d’autotraitement effectués à la maison et de modifications posturales. L’évaluation du patient présente un certain nombre de spécificités, avec notamment l’utilisation des tests des mouvements répétés. L’approche McKenzie n’est cependant pas une approche « hands off » : des techniques de thérapie manuelle font partie intégrante de la méthode. Mais ces interventions manuelles ne seront utilisées que ponctuellement, et pas avec tous les patients. Elles ont pour vocation d’aider les  patients à mieux s’autotraiter. Le but escompté est l’autonomie du patient et sa capacité à gérer ses douleurs musculosquelettiques seul dans le futur. La méthode McKenzie peut venir enrichir la pratique des  Kinésithérapeutes qui s’occupent de ce type d’affection, en particulier pour le rachis douloureux, et aussi pour les extrémités.

Bonjour M. Sagi, avant de présenter la méthode McKenzie, dites-nous-en un peu plus sur vous, votre cursus.

Gabor Sagi : J’ai effectué ma formation initiale de MKDE à Besançon. Je  suis ensuite parti en Angleterre pendant 7 ans, où j’ai fait une formation d’ostéopathe. C’est là que j’ai découvert la méthode McKenzie et que j’ai fait le cursus McKenzie de base (formation A-B-C-D et examen de compétence). Je suis ensuite allé me perfectionner en Nouvelle-Zélande (Diplôme McKenzie) avant d’aller vivre à Chicago où j’ai exercé pendant 4 ans en tant que «  Physical Therapist ». Pendant ce séjour aux USA, j’ai suivi la formation pour être formateur à la Méthode McKenzie. En 1998 je suis rentré en France où j’ai créé l’Institut McKenzie France. Actuellement je dirige toujours l’Institut en France, et j’enseigne toujours un nombre important de formations chaque année. En 2020 j’ai terminé un Master 2 de Sciences de l’éducation. Je fais aussi partie du comité de direction de l’Institut McKenzie International. Décrivez-nous rapidement les fondements de la méthode et à qui elle s’adresse ?

Gabor Sagi : La méthode McKenzie cible avant tout les douleurs musculosquelettiques. Le patient est l’acteur principal de

la base d’exercices d’auto-traitement

Pouvez-vous nous parler du système de classification propre à la méthode ?

Gabor Sagi : Ce qui est singulier dans la méthode McKenzie, c’est que la  façon de classifier les patients est basée sur des critères cliniques qui ne font pas du tout intervenir la  palpation. Aucun critère positionnel, et des restrictions de mouvement n’est inclus dans la prise de décision. Ces éléments sont considérés comme peu fiables (en particulier la reproductibilité inter-examinateur reste très mauvaise) et d’une pertinence très aléatoire. Ici la démarche clinique repose sur le fait de simuler les contraintes de la vie de tous les jours en exposant le patient à des  mouvements répétés ou à des postures de fin d’amplitude pour observer la réponse symptomatique (changement d’intensité ou de topographie des  symptômes) et  la réponse mécanique (effet sur les amplitudes articulaires). Un des concepts clés de l’approche réside dans la recherche d’une «  préférence directionnelle » (PD), c’est-à-dire d’une direction de mouvement qui améliore rapidement les symptômes et les amplitudes articulaires. La centralisation de la douleur constitue une expression particulière de la  PD. L’occurrence d’une PD est très bien documentée dans

deuxieme mouvement de La méthode mckenzie

la littérature et elle peut s’observer pour approximativement 70% des patients lombalgiques dans des populations aiguës ou subaiguës. La présence d’une PD permet de classifier le  patient dans la catégorie « syndrome de dérangement ». Deux autres syndromes figurent dans la classification principale de l’approche McKenzie : le syndrome de dysfonction et le  syndrome postural. En dehors de ces trois syndromes, il existe une catégorie « Autres » qui comprend elle-même plusieurs sous-groupes (syndrome de douleur chronique, canal lombaire étroit etc.). À chaque syndrome correspond une stratégie thérapeutique.

La méthode est-elle différente en fonction des étages vertébraux ?

Gabor Sagi : La méthode d’évaluation et les principes de traitement restent les mêmes quel que soit l’étage rachidien concerné. Les  techniques par contre varient bien entendu en fonction de l’étage. Les PD en extension sont les plus fréquentes dans la plus grande partie du rachis, à l’exception du rachis cervical supérieur, zone au niveau de laquelle la PD en flexion est plus fréquente. Des  PD en inclinaison latérale ou en rotation peuvent être identifiées à tous les niveaux.

Pourquoi la méthode ne se résume pas, comme beaucoup de praticiens le pensent, à « une technique en extension » ?

Gabor Sagi : Empiriquement, comme évoqué plus haut, les PD en extension sont celles que l’on retrouve le plus fréquemment. Par exemple pour le rachis lombaire, de nombreuses études montrent que dans des populations aiguës et subaiguës, lorsqu’on retrouve une PD, cette dernière sera l’extension pour les trois quarts des patients. Cela s’explique probablement par le fait que les  contraintes en flexion et les positions en cyphose sont très prédominantes dans notre gestuelle quotidienne. Il parait logique que d’un point de vue thérapeutique nos patients aient besoin de faire le contraire de ce à quoi ils s’exposent la plus grande partie de leur journée. Cependant même si c’est minoritaire, un  nombre significatif de patients ont une PD en flexion, ce qui conduira à une  prescription d’exercices en flexion. Un certain nombre de patients auront aussi des PD en rotation ou en inclinaison latérale.

Shéma methode mckenzie

L A P A R O L E A U X PROS

troisieme méthode mckenzie

De plus, même pour les patients qui ont une PD en extension, une partie très importante de la stratégie thérapeutique préconisée dans l’approche McKenzie sera dans un deuxième temps de ré-entrainer le patient à tolérer les contraintes en flexion. Autrement dit, tous les patients feront de la  flexion  ! Certains dès le  début du traitement, d’autres en fin de rééducation.

Expliquer nous pourquoi le bilan est très important dans la méthode ?

Gabor Sagi : Le bilan est bien entendu une étape essentielle pour tous les kinésithérapeutes. Il l’est tout particulièrement dans l’approche McKenzie dans la mesure où la stratégie thérapeutique préconisée repose sur un autotraitement intensif : le thérapeute attend du patient qu’il effectue des  exercices plusieurs fois par jour et qu’il modifie sa posture. Il le fait en autonomie, chez lui, même s’il peut généralement joindre son praticien le cas échéant. Il importe par conséquent d’avoir un bon degré de certitude que l’exercice choisi est bien adapté pour le patient à cette phase de son traitement. La phase d’éducation du patient qui suit le bilan sera de ce fait particulièrement importante.

McKenzie est une méthode mais plus encore : un mouvement structuré de praticiens au niveau mondial ?

Gabor Sagi : L’approche McKenzie est enseignée de façon régulière dans plus de 26 pays dans le monde. Des formations sont aussi organisées de façon ponctuelle dans une dizaine de pays supplémentaires chaque année (hors COVID 19). Il existe bien par conséquent une dimension internationale à l’enseignement et à l’évolution dans le temps de cette approche.

Donnez-nous le déroulé d’une séance et surtout ce que l’on demande au patient entre les séances.

Gabor Sagi : La première séance a pour objet d’arriver à un diagnostic kinésithérapique et d’initier le traitement. L’entretienanamnèse poursuit plusieurs objectifs en parallèle : instaurer la relation thérapeutique avec le patient, collecter des informations « directionnelles » sur le  type de contraintes qu’il applique sur la partie du corps pour laquelle il consulte, dans ses activités de la vie quotidienne, identifier des marqueurs, et rechercher des signes d’alerte (drapeaux rouges, drapeaux jaunes etc.). L’examen physique commence par la recherche de marqueurs cliniques. Il inclut un examen neurologique si nécessaire. Il se poursuit par les tests des mouvements répétés et le cas échéant par des postures, avec une analyse de la réponse symptomatique et mécanique. Si l’examen est concluant, la  séance se termine par une phase d’éducation du patient en rapport avec la  mise en place d’un  programme d’autotraitement. Dans le cas contraire, on demandera le plus souvent au patient de tester l’effet d’un mouvement et/ou d’une modification posturale sur 24 ou 48 heures. Le plus souvent le thérapeute qui utilise cette approche demande au patient de faire 5 à 6 séquences d’exercices étalées sur la journée. Des recommandations de modifications posturales complètent le programme de traitement : en effet, quand une PD a été identifiée, si un patient multiplie de  séances de travail dans une direction (par exemple en extension) et passe plusieurs heures  par jour assis en cyphose cela ira à l’encontre d’une récupération rapide. Comment s’effectue le suivi du patient ?

Gabor Sagi : À l’issue de la première séance, le diagnostic kinésithérapique sera toujours provisoire. Il ne sera confirmé que lorsque la réponse du patient à la stratégie thérapeutique produit le résultat attendu. Les séances de suivies commencent toujours par

la stratégie thérapeutique préconisée repose sur un autotraitement intensif

un bilan de l’évolution des marqueurs identifiés lors de la première séance. Elle se poursuit par une évaluation collaborative avec le patient des exercices et des modifications posturales mises en place. Au besoin les exercices sont modifiés. Pour certains patients, des techniques de thérapie manuelle viennent compléter les exercices d’auto-traitement pour l’aider à passer un cap et lui permettre d’être plus efficace dans la  réalisation de son programme à la maison. À chaque séance, une préoccupation majeure sera d’examiner avec le patient toutes les activités qu’il pourrait reprendre en fonction de son niveau de  récupération de fonction. Pour tous les patients pour lesquels une PD a été identifiée (syndrome de dérangement), la phase critique sera d’évaluer avec lui à quel moment il sera propice de travailler à lui redonner une endurance à la direction de mouvement qui l’aggravait initialement. En ce qui concerne les patients avec une PD en extension, cela implique de mettre en place une exposition graduelle à des mouvements en flexion. La finalité de la rééducation sera que le patient ait repris confiance dans la partie de son corps qui était symptomatique, et qu’il comprenne comment s’auto-gérer à moyen et à long terme.

Qu’elles sont les évolutions de la méthode et quels sont, actuellement vos axes de recherche ?

Gabor Sagi : Les 3 axes de développement les plus importants de l’approche MDT cette dernière décennie me semblent être les suivants :

Une réflexion sur les façons optimales d’engager le patient dans son auto-soin et son auto-prise-en-charge : Historiquement, l’approche McKenzie telle que l’enseignait Robin McKenzie suivait le modèle d’un praticien « expert », qui après avoir testé le patient lui prescrivait des exercices et des modifications posturales. La recherche effectuée en relation avec l’Entretien Motivationnel (EM) a montré qu’une approche collaborative a plus de chances de modifier le comportement du patient et d’apporter des bénéfices au long terme qu’une approche prescriptive. Tous nos formateurs ont acquis des compétences en EM. Nous accordons une grande importance à la qualité de la relation avec le patient. Nous veillons à ce que le patient se sente écouté et impliqué dans la conception et la mise en œuvre de la stratégie thérapeutique. Plus le patient est associé à l’analyse de son problème et aux prises de décision sur les actions les plus appropriées, plus il tend à s’impliquer dans son auto-traitement.

⊕ Intégration de la nouvelle compréhension de la douleur avec l’approche McKenzie : La compréhension du syndrome de déconditionnement développée par Tom Mayer, à l’origine de la Restauration Fonctionnelle du Rachis avait été intégrée dans l’enseignement de l’approche McKenzie dès le milieu des années 90. La nouvelle compréhension de la douleur initiée par Louis Guifford et perfectionnée ensuite par Lorimer Moseley, David Butler et Adriaan Louw entre autres, a marqué une nouvelle étape. Pour éviter de « contribuer » à la sensibilisation périphérique ou centrale du système nerveux, nous avons modifié notre discours avec les patients, ainsi que certaines de nos pratiques. Cela nous a aussi conduit à inclure dans notre évaluation du patient une attention à la détection de cette sensibilisation si elle s’est installée en amont de notre prise en charge. Des stratégies thérapeutiques susceptibles de la diminuer sont présentées pendant nos formations (éducation sur la douleur, activité cardio, exposition graduelle etc.). Cette compréhension a amélioré et complété de façon très significative notre pratique clinique et notre enseignement.

⊕ Perfectionnement de la prise en charge des douleurs des extrémités : Initialement et pendant plusieurs décennies, l’approche McKenzie ne concernait que la colonne. Cependant de nombreuses affections de extrémités relèvent d’une problématique similaire à la colonne : les douleurs persistantes ou récurrences sont très fréquentes. Les méthodes d’évaluation basées sur la palpation manquent tout autant de fiabilité. Et les lésions que peuvent mettre en évidence l’imagerie se retrouve très fréquemment dans les populations asymptomatiques. Exposer les articulations périphériques à des tests de mouvements répétés génèrent souvent des informations très utiles. Au début des années 2000, la formation McKenzie a été étendue aux TMS des extrémités. Depuis l’examen adapté aux différentes articulations, et la gamme d’exercices proposées se sont considérablement étoffés. J’ai le sentiment que dans chacun de ces trois grands axes la recherche va nous permettre de continuer à nous améliorer dans les années qui viennent.

Merci pour cet entretien très instructif.